• Jérôme Dupeyrat
  • texte publié dans la revue Superstition suite à l'exposition Insolitus à L'artothèque de Pessac

  • Julien Zerbone
  • texte publié à l'occasion de l'exposition Insolitus à L'artothèque de Pessac

  • Didier Arnaudet
  • texte publié dans l'édition réalisée à la suite de la résidence à Monflanquin (Pollen)

  • Isabelle Delamont
  • texte publié dans l'édition Atelier de la chute

  • Christophe Kihm
  • texte publié dans le catalogue de jeunisme 2 par le FRAC Champagne Ardenne

  • J. Emil Sennewald
  • texte publié dans le catalogue du 55ème salon de Montrouge

  • Julien Zerbone
  • texte publié dans l'édition réalisée à la suite de la résidence à Monflanquin (Pollen)

  • Entretien avec Nathalie Sécardin


  • TEXTE PUBLIÉ DANS L'ÉDITION ATELIER DE LA CHUTE.

    L'atelier de la chute (Monter, glisser, voler, tomber et recommencer. Monter, glisser?)

    Sylvain Bourget n'est pas Candide mais plutôt l'héritier de Buster Keaton qui aurait choisi à travers l'art d'expérimenter l'absurdité de ce « meilleur des mondes possible ». Ses oeuvres ne sont ni tout à fait drôles ni aussi naïves qu'elles peuvent le paraître. « Contre-performantes » et cocasses, elles s'emploient insidieusement à nous faire grincer des dents.

    « L'atelier de la chute » que reprend Sylvain Bourget est à l'origine un dispositif de prévention des risques domestiques utilisé pour des démonstrations qui s'effectuent au sein des collectivités et des entreprises. Les personnes qui y travaillent sont invitées à expérimenter et à éprouver en toute sécurité, sans danger, les risques encourus lors de la pratique de certains gestes quotidiens qui semblent tout à fait anodins tel que changer une ampoule ou repeindre sa fenêtre. Le dispositif se constitue d'un portique de poutrelles métalliques entrecroisées qui délimitent quatre espaces. Chaque partie sert de support, de cadre, à la mise en scène d'un accident domestique : chuter d'un tabouret pour remplacer un néon, tomber d'une échelle en voulant nettoyer une gouttière, passer par la fenêtre que l'on est en train de repeindre, glisser sur le carrelage détrempé de la salle de bain. Les éléments sont stylisés, pour faire immédiatement signe. Pas de réalisme, ici seule la fonction pédagogique prime.

    Ce dispositif a été emprunté par l'artiste, séduit autant par l'efficacité plastique de l'environnement construit que par sa fonction-même d'encadrement préventif, parfait témoignage de la montée du « tout-sécuritaire » dans notre société. Installé dans le lieu de l'exposition, il devient la scène du tournage d'une vidéo, dans laquelle Sylvain Bourget, dûment harnaché, s'essaye à chuter et qui, dans l'exposition, sera montrée comme la résultante de l'ensemble du processus. Rien n'est dissimulé, la prise de risque est minime, la chute n'a rien d'une dangereuse cascade.

    Pas de péril en la demeure donc, et bien peu de spectacle ; la violence et le danger sont ici symboliques et non pas dûment éprouvés. Sylvain Bourget apparaît dans le rôle du cobaye, testant tranquillement et l'une après l'autre, les quatre scènes à risque. Le spectateur reste quant à lui partagé : dans l'attente de la chute, du gag ou de la catastrophe, il est mis dans la position du voyeur. Le « drame » n'ayant pas lieu, une déception passagère laisse ensuite place à la projection psychologique. Il peut alors s'imaginer en cobaye, avant d'éprouver un intérêt cognitif lié à l'observation de ce qui ressemblerait plus à une expérience de laboratoire qu'à une performance.

    Dans la filiation de « Test Room? » de Mike Kelley, oeuvre qui déstabilise le dispositif en lui-même dans sa structure et sa fonction par la transformation ambiguë du lieu de l'expérimentation en objet donné à voir comme sculptural, « L'atelier de la chute » vient remettre en question le cadre, le référent normatif artistique et social. Chez Sylvain Bourget, le dispositif disparaît de l'exposition pour retourner à sa fonction première. L'objet de la critique pointe ici subtilement les conditions de l'art et de sa réception et infirme ironiquement la norme sociale et sa morale sous-jacente.