Jérôme Dupeyrat 
  texte publié dans la revue Superstition suite à l'exposition Insolitus à L'artothèque de Pessac  
  Julien Zerbone 
  texte publié à l'occasion de l'exposition Insolitus à L'artothèque de Pessac  
  Didier Arnaudet 
  texte publié dans l'édition réalisée à la suite de la résidence à Monflanquin (Pollen)  
  Isabelle Delamont
  texte publié dans l'édition Atelier de la chute 
  Christophe Kihm
  texte publié dans le catalogue de jeunisme 2 par le FRAC Champagne Ardenne  
  J. Emil Sennewald 
   texte publié dans le catalogue du 55ème salon de Montrouge
  Julien Zerbone 
  texte publié dans l'édition réalisée à la suite de la résidence à Monflanquin (Pollen)
   Entretien avec Nathalie Sécardin  
  
  
  
   
TEXTE PUBLIÉ DANS L'ÉDITION RÉALISÉE À LA SUITE DE LA RÉSIDENCE À MONFLANQUIN (POLLEN). 
    Sylvain Bourget côtoie régulièrement dans son travail les pratiques en marge,  se prêtant parfois à une  pénible expérimentation de la gravité et des limites du  corps humain. Rien de spectaculaire ni de dangereux, plutôt des actions que seule  leur absurdité sauve de la banalité. Reportage, performance, dessin construisent  des situations incongrues qui ne semblent n'avoir d'autre contexte que leur  déroulement. Ni farce burlesque, ni reportage, le travail de Sylvain Bourget relève  pourtant des deux champs, selon des acceptions qui lui sont propres.
 
La farce n'intéresse pas Sylvain Bourget en premier lieu, malgré le comique  dont font parfois preuve ses personnages. L'excentricité des situations mises en  scène n'a d'autre but que de placer le protagoniste dans une situation inconnue  dont les finalités lui échappent. A la façon d'un nouveau-né, il se retrouve dans  l'obligation et le spectateur avec lui de faire l'expérience de ses limites, et  d'inventer de nouvelles règles du jeu, des modes d'action inédits. La silhouette  qui se dessine constitue une hypothèse de travail, dont on trouve le modèle  chez des artistes comme Bruce Nauman ou Chris Burden. Dans les années 60,  avec le développement de la performance et de la vidéo est apparu un corps qui  assume un rôle d'interface avec l'environnement, et donc de vecteur nécessaire  de l'existence humaine. En deçà de tout déterminisme culturel, les artistes ont  identifié ce corps « physique » comme le plus petit dénominateur commun,  l'atome à partir duquel se construit toute forme de société. Aussi construisirentils un avatar sans histoire ni personnalité, un pur corps qui deviendrait leur sujet  d'expérimentation. C'est dans ce cadre que surgissent les personnages de Sylvain  Bourget. 
 Ils nous paraissent en effet singulièrement dépendants des objets qui les  entourent : tout leur être est tourné vers le monde, et le moindre de leurs actes  semble leur être dicté par les circonstances. Ainsi voit-on dans la vidéo présentée  à Monflanquin un étrange dialogue s'établir entre le démonstrateur de l'Institut  de Prévention des Accidents Domestiques et les objets alentours. Que ce soit  la tondeuse ou l'escalier plus grands que nature, on hésite à déterminer qui  de l'homme ou de l'outil fait usage de l'autre, le premier tentant sans cesse de  rétablir un équilibre fragile. Par son étrangeté, l'univers que décrit Sylvain Bourget  déstabilise, et impose de se soumettre à l'environnement immédiat, à adopter sa  logique plus qu'à lui imposer la sienne. De cette vulnérabilité naît une évidence  : là où l'habitude et la logique ne nous sont plus d'aucun secours, une nouvelle  expertise est nécessaire, attentive et patiente. 
  Le démonstrateur peut paraître ridicule dans son décor de cuisine géante, à  gesticuler pour prouver au spectateur le danger d'une bouteille de 70 cm ou  la difficulté de grimper un escalier surdimensionné, mais on doit bien convenir qu'il n'y a pas d'attitude plus adaptée à cette situation. Sylvain Bourget aborde  son travail avec l'oeil d'un documentariste qui fait le pari d'abandonner tout  système de pensée préétabli vis-à-vis de ce qu'il décrit, et de se soumettre aux  évènements, au motif que la complexité du réel dépasse toujours notre capacité  d'entendement. À ce titre, il adopte dans sa démarche artistique le même sens  radical du réel dont font preuve ses personnages. L'accident, au même titre que le  miracle est une possibilité, et en tant que tel participe de notre univers. L'artiste et  le démonstrateur partagent cette inquiétude de laisser un aspect du réel, même  improbable, échapper à leur vision du monde. L'absurde et l'accidentel régissent  notre quotidien, et seuls des raisonnements péniblement acquis réussissent à  nous détourner de cette évidence. 
   Face à la vidéo, les dessins présentés à Monflanquin constituent un second  degré dans l'abstraction : ce qui frappe quand on les observe, c'est leur caractère  indescriptible. Non qu'on ne parvienne pas à comprendre les situations qu'ils  décrivent. Bien au contraire, on ne les reconnaît que trop : le spectateur se  retrouve dans l'incapacité d'en dire plus qu'il n'y trouve. Pas d'empathie, pas de  drame, rien qui permette de s'identifier aux dessins, ils sont fermés du point de  vue du sens. Cette « indestrictibilité », les dessins la doivent d'abord aux actions  qu'ils illustrent. Dans Performer, une série précédente de l'artiste, une silhoutte  anonyme légende des exploits tirés du Guiness Book : parmi ceux-ci « Kevin Mc  Cartney, USA, s'est douché pendant 340 h 40 mn du 29 mars au 12 avril 1985 ».  Que dire de plus? Un record est par nature unique, seulement comparable à une  action rigoureusement identique, si ce n'est en termes quantitatifs. L'essence de  ce type de performance est qu'il crée une sorte d'îlot qui en garantit l'existence, et  l'extrait du commerce général des actions. Les accidents présentés à Monflanquin  sont de même nature. Tirées d'une brochure destinée à prévenir les  intérimaires  des accidents du travail, ils ont valeur de références. L'accident, exemple même de  l?évènement chaotique, est réduit à une typologie, à un évènement débarrassé de  toute contingence.
    Par son traitement de l'image, Sylvain Bourget ajoute encore à cette dimension  impersonnelle : tout, depuis le personnage jusque dans son environnement, se  perd dans le motif. Dans l'exposition de Monflanquin deux, trois dessins au plus  se succèdent, laissant le spectateur exclu du drame qui se joue et incapable de  replacer l'évènement dans un contexte. La série se substitue à la narration, chaque  image n'ayant d'existence que comparée à la suivante. Il n'y a pas de progression  : qu'elles soient présentées de bas en haut ou en frise, l'ordre dans lequel sont  présentés ces vignettes semble secondaire, tant leurs similarités le disputent à  leurs différences. 
Que ce soit la démarche du démonstrateur, l'exploit du recordman, la signification  de l'accident ou les dessins présentés à Monflanquin, le travail de l'artiste dessine  un contexte autant qu'il décrit un fait. Traitant de ce qui se situe en marge du  sensé, du compréhensible en soi, il décrit et explore le cadre nécessaire à sa  lisibilité, que ce cadre soit physique, social ou mental. De là provient sans doute  le léger décalage que l'on ressent dans ces dessins et vidéos, l'impression qu'il  nous faudrait, pour les apprécier pleinement, réinventer notre mode de lecture et  remettre en cause nos habitudes vis-à-vis de l'image. 
      Sylvain Bourget court après l'essentiel. Il interroge tour à tour l'acte et l'image, en  déconstruit successivement les strates et les codes, en met en doute l?évidence.  Chaque code de représentation devient ainsi un nouvel outil, jusqu'à ce que le  doute, et l'ironie qui l'accompagne deviennent le sujet de l'oeuvre, les seuls au  dessus de tout soupçon. Son travail est animé par un profond souci du réel, une  recherche inquiète de l'authentique au milieu de l'artificiel, et ce au risque de  perdre toute prétention au réalisme. 
 Julien Zerbone